La BEAC : un frein au développement financier de la zone CEMAC ? Par Francis Fogue
Les récentes occurrences observées à la BEAC traduisent et justifient le malaise financier dans lequel la zone CEMAC s'engouffre depuis quelques années. Au lieu de créer un cadre favorable au développement et à l'indépendance économique de ses Etats membres, les institutions financières implantées dans la sous région de l'Afrique centrale œuvrent malheureusement dans le sens d'asphyxier les économies locales à défaut d'assurer la survivance de la dépendance monétaire vis-à-vis de l'Occident. Des scandales alimentent indéfectiblement la dynamique financière de nos Etats qui de ce point de vue, voguent dans des eaux assez troubles. Aux grands courants marins dévastateurs que constitue l'influence financière de la France sur la zone CEMAC, s'ajoute les vagues de détournements des fonds publics et des avoirs de particuliers notamment dans les établissements de micro finance. C'est donc sans surprise qu'on assiste à des tsunamis financiers aux répercussions socioéconomiques désastreuses. Illustrons cet état de fait par quelques exemples précis.
Octobre 2009, des enquêtes révèlent d'énormes scandales financiers à la BEAC. L'insécurité règne plus que jamais sur les avoirs financiers de 6 pays d'Afrique centrale. Panique générale ! Le spectre de la banqueroute plane. Au cœur de l'affaire, le gouverneur de la BEAC, Philibert Andzembe qui, entre 2007 et 2009, a distrait environ 327 milliards de franc CFA à travers des placements spéculatifs.[1] Le ver est dans le fruit. Bien malin qui pourra dire si la révision du consensus de Fort Lamy de 1975 et la nomination de l'équato-Guinéen Lucas Abaga Ntchama pourront avoir un effet d'assainissement. Toujours est-il que les événements qui suivent ces mesures ne sont pas de nature à rassurer l'opinion. Quelques jours plus tard, en novembre 2009, la BEAC revient sur le devant de la scène à travers l'une de ses institutions spécialisées. Il s'agit de la Commission Bancaire de l'Afrique Centrale (la COBAC) créée en 1990 avec pour ambitions, entre autres, de réguler les activités bancaires et de microfinance dans la zone CEMAC et d'assurer la solvabilité, la rentabilité et la liquidité des établissements de micro crédit et des microfinances. Cette commission dirigée par le nouveau gouverneur de la BEAC rentre dans un engrenage feuilletonesque avec le groupe Fotso. Lucas Abaga Ntchama a du mal à rester impartial dans le différend qui oppose le groupe Fotso à la Guinée équatoriale, son pays d'origine. Les manipulations suivant leur cours sur fond de protectionnisme financier de la part de la Guinée équatoriale, la COBAC n'hésite pas à placer la CBC (une banque du groupe Fotso) sous administration provisoire. Pour justifier cette décision, la COBAC accuse la CBC d'être un « centre de blanchiment d'argent et de financement du terrorisme ».[2] On lui reproche par ailleurs d'être au d'être au bord de la faillite. Voilà bien deux arguments antinomiques. Comment peut-on être au bord de la faillite et financer le terrorisme?
En juin 2010, le feuilleton COBAC-Groupe Fotso nous livre un nouvel épisode. La Société financière africaine (SFA), une autre structure bancaire du groupe Fotso, est dépossédée de son agrément par la COBAC.[3] Le groupe Fotso est résolument dans l'œil du cyclone. Le géant fragilisé peut difficilement tenir sur ses pieds d'argile. Cet acharnement de la COBAC sur le groupe Fotso ne peut que tourbillonner le système financier de la sous région tant il est vrai que ce groupe détient des avoirs et des investissements financiers faramineux dans les pays de la CEMAC tels que le Cameroun, la RCA et le Tchad. Pendant que la COBAC s'attaque au groupe Fotso, l'un des fleurons financiers de la sous région, les populations, dont elle est supposée protéger les avoirs se retrouvent dépossédées par les promoteurs des micro finances.
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